Pertinence et validation

En quoi le questionnaire basé sur le vécu des salariés au Travail peut-il avoir une valeur scientifique ?


Pour recueillir des informations sur le travail, on peut utiliser diverses sources d’informations, et, notamment, on doit choisir entre l’expertise du médecin du travail et l’expertise du salarié. Il n’y a pas un choix plus scientifiquement validé l’un que l’autre, mais il est par contre nécessaire que l’ensemble du recueil de données d’un même projet soit fait de la même manière par tous. Le choix, dans le cadre du projet Evrest de prendre l’avis du salarié sur ses expositions, prend son origine dans la construction même du questionnaire. Ce questionnaire a été élaboré par des chercheurs dans le cadre de la création d’un dispositif statistique sur les relations âge, santé et travail. Ces chercheurs ont par ailleurs contribué à de nombreux travaux dans le champ scientifique de l’approche statistique en santé au travail. Leurs parcours professionnels et leurs productions scientifiques constituent un ensemble d’expériences et de connaissances dont on peut retrouver la traduction dans les choix qui ont précédé la construction du questionnaire Evrest, et dans les différents usages des informations chiffrées produites au moyen de ce dispositif*.

Leur choix révèle une démarche particulièrement attentive aux conditions réelles de la réalisation du travail. Ceci ne signifie pas qu’il s’agit de laisser le salarié seul juge de ses expositions. Ce questionnaire, lorsqu’il est rempli (ou lorsqu’il est rediscuté) dans le cadre de l’entretien clinique avec le salarié peut aussi, fréquemment, selon les médecins qui l’ont testé, enrichir le contenu de la consultation en offrant des espaces de découverte et de discussion sur le travail. En effet, il ne s’agit pas de recueillir les affirmations du salarié sans les rediscuter. Il s’avère que certaines questions ne sont pas comprises par certains d’entre eux, ce qui nécessite une explication et parfois un changement de la réponse faite par le salarié : par exemple (il s’agit d’un exemple réel), certains conducteurs d’engins cochent « non » à la question de l’exposition aux vibrations ; ce point nécessite alors une explication du terme « vibrations », qui n’est apparemment pas toujours perçu comme une « anomalie » et un risque pour la santé (tellement le salarié y est habitué et que cela fait partie du métier). C’est seulement après une discussion éclairante sur les caractéristiques de ce travail, que le salarié comprend la réalité de son exposition à un risque dont il n’avait pas conscience. Ce qui contribue à l’enrichissement de l’entretien médical où le rôle du médecin du travail est d’informer les salariés sur les risques auxquels son travail l’expose.

* Nous retrouvons ces explicitations conceptuelles et méthodologiques dans de multiples productions scientifiques, notamment : 
(1) Molinié A-F, Volkoff S. (1982), « Quantifier les conditions de travail ? » Travail et Emploi n°11, pp. 63-70.
(2) Vézina N, Stock S. (2005), « Collaboration interdisciplinaire dans le cas d’une intervention ergonomique», dans Volkoff S. (coord.), L’ergonomie et les chiffres de la santé au travail : ressources, tensions, pièges, Octarès. pp. 87-108.
(3) Volkoff S. (1997), « Représentativité, significativité, causalité : l’ergonomie au contact des méthodes épidémiologiques ». Communication au XXXIIème Congrès de la SELF, Lyon.
(4) Volkoff S. (coord.) (2005), L’ergonomie et les chiffres de la santé au travail : ressources, tensions, pièges. Octarès.